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  • Photo du rédacteurThe Writing Lover

"For King and Country" - (French Review) Critique de pièce de théâtre.

Le 18 juillet, je me suis envolée pour Londres, afin d’aller voir une pièce de théâtre au Southwark Playhouse. Une petite critique de cette pièce s’impose donc.


« I could not take it no more.»


Voilà ce que le protagoniste principal répète à plusieurs reprises tout au long de la pièce. La peine dans ses mots devient de plus en plus palpable, si bien que le spectateur a aussi énormément de mal à supporter cette réalité du passé. Première Guerre mondiale. Pas plus que moins de 306 jeunes soldats anglais ont été exécutés pour désertion ou lâcheté.


« For King and Country » est une pièce basée sur le roman de J.L Hodson « Return to the Wood » en honneur d’une catégorie de victimes oubliées pendant la guerre : les déserteurs. Ce n’est pas la première fois que le roman est adapté. En effet, « For King and Country » a connu sa première représentation quarante-six ans après la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui, elle revient en force en 2018 sur les scènes londoniennes dirigée par Paul Tomlinson et produite par Alexander Neal.


L’histoire de cette pièce se passe en 1918, à quelques mois avant la fin de la guerre. Ayant subi les batailles pendant près de trois longues années, un jeune soldat du nom de Hamp (Adam Lawrence) venant du nord de l’Angleterre décide de fuir le bataillon. Désertion. C’est dans une atmosphère tendue que le procès se déroule. Le lieutenant Hargreaves va tout faire pour sauver cet homme de la fusillade. De nombreux soldats ont souffert de post-traumatic-stress suite aux batailles et sont longtemps restés incompris aux yeux des civils. Quel goût pouvait donc avoir la justice à cette époque-là ? Hamp sera t-il sauvé ou sera t-il lui aussi inscrit parmi les soldats victimes de ce carnage ?


C’est dans le rôle principal du soldat Hamp que l’on découvre Adam Lawrence. Jeune acteur anglais de vingt-sept ans, il a obtenu une récompense pour le « Most Promising Newcomer » (le plus promettant des arrivants) grâce à son rôle dans « England is Mine », biographie de Morrissey. Ce n’est pas la première fois que Lawrence se met dans la peau d’un soldat. En effet, c’est en 2014 qu’il incarne un déserteur cette fois-ci allemand dans « Around Again ». Dans « For King and Country », Lawrence se révèle être de prime abord très intriguant en raison de la sensibilité qu’il procure à toute l’audience. Au fil de la pièce, cette douce sensibilité se transforme très rapidement en incompréhension puis en crainte. Son personnage souffrant mentalement de ce qu’il vit au quotidien dans les tranchées subit une violente pression qui ne fait que monter crescendo. Confronté à des gens qui ne le comprennent pas et qui désirent le punir pour son acte, il garde tout de même un peu d’espoir grâce au lieutenant qui semble décidé à tout faire pour lui venir en aide. Jeu d’acteur poignant du début jusqu’à la fin, Adam Lawrence rend le spectateur lui aussi prisonnier de la peine qu’il ressent. Il est impossible de s’en défaire, bien au contraire, elle ne cesse d’augmenter et de vous enfermer dans cette bulle angoissante. C’est à travers ses mots, mais aussi les gestes, que ce jeune Anglais ne fait pas que simplement montrer l’enfer que son personnage est en train de subir. Il le transmet à chacun d’entre nous, public assis sur une chaise, les yeux rivés sur lui. Des mots touchants, une réalité bouleversante puis un corps tremblant suivis de paroles provenant du plus profond de son cœur montre l’ampleur que l’accusation prend, l’entrainant vers le néant. Mais que serait donc un procès sans une personne dévouée et prête à se battre coûte que coûte pour la justice ? Lloyd Everitt sous les traits du lieutenant Hargreaves, est l’allié le plus fidèle d’Hamp. Il ne cesse de croire en lui, et désire à tout prix lui éviter la peine de mort. Possédant un charisme hors-pair, son personnage s’avère être un excellent orateur durant la défense du soldat. Au milieu de toute cette noirceur, Everitt symbolise cet espoir, cette minuscule lumière dont tout le monde a besoin. Jeu époustouflant et acharné, Lloyd Everitt donne à la pièce cet aspect explosif et brutal qui marque les esprits par ses mots tranchants, sa volonté de sauver un innocent qui devient une obsession. Ne pas sympathiser. Voilà ce que l’on demanderait aux avocats, mais Lloyd Everitt apporte justement ce soleil qui n’existe même plus durant cette grande guerre. Il nous montre que malgré la haine, la propagande et les devoirs de soldats envers leur pays, autre chose se cache : la compassion et l’humanité. Eugene Simon, connu pour son rôle de Lancel Lannister dans « Game of Thrones » ou encore Jerome Clarke dans "House of Anubis », offre lui aussi cette sympathie au travers du rôle du Père, qui n’emporte que d’avantage le spectateur dans ce carcan d’espoir et à la fois de fin tragique et inévitable. Plaidant tout d’abord en la faveur du déserteur, Eugene Simon dégage cette puissante détermination ainsi que cet entêtement à exprimer son avis. Serait-il contre les lois anglaises ?, lui demande alors le juge. Dirait-il oui à la peine de mort dans quelques situations ? Non, lui répond-il alors, confirmant alors à l’audience ce cran et ce courage de ne pas s’abaisser aussi aisément. Dans la seconde partie de la pièce, Eugene Simon nous fait découvrir avec talent une toute autre facette de son personnage. Cette fois-ci, l’empathie et ce sens du devoir d’apporter le plus de paix à l’accusé se révèle poignant et déchirant. Le personnage d’Eugene Simon représente le parfait reflet de ce que chaque spectateur est en train de penser dans sa tête et rêverait d’exprimer à haute voix afin d’aussi crier sa frustration ainsi que cette folle et incontrôlable envie de combattre contre la décision dramatique.


Le casting de « For King and Country » invite le spectateur à faire un voyage dans le temps pour quelques heures dans le but de troubler et de faire prendre conscience à chacun que la souffrance pendant une guerre se trouve d’absolument tous les côtés et n’épargne personne. Si l’on sait que la sentence tant redoutée est malheureusement inévitable, car nous connaissons l’Histoire, nous avons ce désir de changer le passé, de réinventer une fin afin de pouvoir mettre un peu plus de justice là où les gens ont échoué à la faire triompher. « Je m’y attendais, mais j’avais encore espoir » me suis-je dit tandis que des larmes coulaient sur mon visage. Cette pièce secoue chacun d’entre nous, de manière différente et à la fois semblable. La souffrance est un processus qui se transmet d’une personne à une autre par le biais de moyens variés. « For King and Country » m’a alors confirmé que le théâtre s’avérait être un puissant outil, et c’est cet art qui fait justement tout son charme. Nous avons la possibilité de comprendre un peu plus le passé tout en se trouvant à des années d'un évènement que personne ne doit oublier. Ne pas reproduire les mêmes erreurs. Prendre du recul et comprendre que la peur chez l’être humain n’est pas anormale, mais au contraire bien ordinaire et habituelle. « For King and Country » déroute, trouble, mais marque. Poignant, brutal et émouvant. Voilà les trois mots qui me sont venu à l’esprit à la seconde où le rideau s’est baissé.





(Credits image) : Alex Brenner on https://southwarkplayhouse.co.uk/show/for-king-and-country/#gallery



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